Historique, héroïque, géant, énorme : les qualificatifs ne sont pas usurpés. Trop souvent galvaudés ils en perdaient toute saveur.
L’exploit s’est construit dans les 10 dernières et interminables minutes après que les bleus ont marqué l’essai du succès. Face à des blacks survoltés, l’équipe de France est bousculée. Les blacks grignotent mètre après mètre, une faute une pénalité ce serait le retournement sans espoir de reconquête, la défaite assurée. Ils tiennent, stoppent la furia néo zélandaise à quelques foulées de l’embut. Un drop mal assuré qui échoue au pied des poteaux, un dernier coup de sifflet…ils ont gagné !
L’émotion de l’instant ne peut être retranscrite, bien au delà du suspense du meilleur scénario hitchcockien : le présent ignore de quoi l’avenir sera fait. Ni Sarkozy dans sa tribune, ni le demi au coeur de sa mêlée, ni la concierge du boulevard Voltaire rivée à sa télé ne sait ce qu’il en sortira. Du spectacle à l’état pur : on a gagné !
Chacun de ces moments « historiques » qui réconcilie avec le sport conduit à un processus spontané d’appropriation collective. C’est leur succès et cela devient notre victoire par un coup de baguette magique. Le résultat d’une élite, le fruit d’efforts insensés consentis par une minorité sélectionnée, les prouesses de 15 joueurs d’exception sont « assimilés » par des français pour une fois unanimes à s’attribuer le succès.
Préférant ignorer la discrimination qui permet la sélection et l’exploitation des meilleurs talents on ne retient que la distribution du résultat dont chacun inconsciemment revendique sa part. Il n’y a pas que dans le sport que la réussite individuelle appelle à sa redistribution collective : n’est-ce pas le fondement de l’idéologie socialiste de faire profiter une majorité, des efforts, des revenus de quelques uns ?
Si le peuple se satisfait des résultats d’une minorité, d’une élite encore faut-il qu’il laisse à cette élite la possibilité de réussir et de gagner. La machine égalitaire a ruiné la génération Mitterrand- Chirac en nivelant les aspirations individuelles au rang de la médiocrité. Il faudra beaucoup d’autres Cardiff pour faire sauter ce verrou. Bravo les bleu !