C’est la fusion de l’agora et l’Internet, du meilleur des grecs et des nouvelles technologies. Est ce l’osmose vers la quelle évolue notre système politique, ou un miroir aux alouettes dans le quel se reflètent les insuffisances du suffrage universel ?
Au hasard d’une implication citoyenne le constat peut être dressé que les frontières entre l’électeur et le politique s’estompent. De la dyarchie héritée du système censitaire, où les rôles sont clairement établis : l’élu et l’électeur, survient une troisième catégorie, l’homme d’influence. Pas qu’il n’ait de longue date existé, mais a contrario de celui qui tirait les ficelles dans l’ombre en finançant tel ou tel parti, « l’influenceur » d’aujourd’hui est polymorphe et intervient à découvert.
Ségolène Royal les a instrumentalisés la première en ouvrant les primaires de son parti aux internautes à 20€. Elle a assuré sa sélection avant de tenter d’en théoriser le rôle dans des développements fumeux sur la démocratie participative. Elle a foiré son exam, mais on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Le mouvement consacre l’entrée par le petit écran de l’opinion dans la joute électorale, pas seulement dans sa version réductrice du sondage, par essence quantitatif mais ouvert sur le qualitatif par la magie des média locaux que sont devenus les sites, les blogs et les forums.
Les municipales de 2008 sont les premières élections au cours des quels l’expression citoyenne locale ne sera pas cantonnée aux cours de récré et aux préaux. Aucun journal, même d’audience cantonal ne peut donner la parole « aux gens », aucune chaîne de télé même citadine ne peut ouvrir sa grille aux intervenants « d’en bas ». Internet offre aux citoyens et à ceux qui veulent bien les entendre un moyen de communiquer sur un pied d’égalité. Le politique n’y a pas le dernier mot !
Pour avoir méprisé ce support certains nouveaux venus dans l’arène vont se mordre les doigts, tout juste capables d’imaginer des coups foireux pour museler ceux qui expriment d’autres opinions. Incapables de comprendre qu’en fermant leurs écoutilles à la doxa ils trahissent en fait leur rejet de la volonté de l’électeur.
L’opinion n’est pas aussi volatile que le prétendent ceux qui s’en détournent. Un point de vue extériorisé engage celui qui l’émet bien au delà de ce qu’il en serait si cette opinion n’avait pas été exprimée. De l’autre coté du miroir l’élu ne peut plus s’en tenir à la position du mandat électif valable quoiqu’il advienne pour 5 ou 6 ans. Les moyens existent de confronter les positions pré électorales aux évolutions commandées par le temps. Le mandat impératif sur lequel s’assoient les élus doit subir une révision au risque de donner à la rue le rôle de 3 ème pouvoir comme on le voit fréquemment lors du décrochage entre les votes des élus et la volonté des électeurs.
Pour en revenir à l’enjeu des municipales, l’incapacité de nombreux candidats à intégrer la demande de « doxocratie » risquent de leur donner au soir des élections un sérieux coup de blues.
* Terme emprunté à Jacques Juillard